J'aurais pu vous parler de la froidure shanghaïenne, des préparatifs du Nouvel An Chinois ou encore de ma dernière trouvaille.
Je voulais et j'aurais du le faire. Mais je ne le ferai pas.
Pourquoi?
Parce que je suis révoltée.
Il y a quelques instants de cela, je remontais tranquillement ma rue, la Fu Xing lu (复兴路), cette immense voie à sens unique pour les voitures mais qui dispose d'une piste à contre-sens pour les deux roues.
Plongée dans mes pensées, je pensais à mon prochain billet, réfléchissant à mon thème, à la manière de l'aborder. Je ne prêtais pas attention aux silhouettes autour de moi: des hommes fumaient sur le trottoir, une jeune femme sortant d'un bar qui se précipite sur la route le bras levé pour héler un taxi.
A ce moment précis, un bruit m'extirpa de ma bulle, plutôt un impact. Cherchant son origine, je continue mon chemin, tourne la tête et vois alors sur le bitume, un scooter renversé en travers de la route et un corps, inerte.
La jeune femme de la scène précédente, inconsciente, gisait à même le sol la figure ensanglantée: elle venait de se faire renverser.
Le conducteur du scooter, lui aussi sonné, tentait sans résultat de dégager de la voie cette drôle de poupée désarticulée, qui s'était jetée sous ses roues quelques instants plus tôt.
Je tentais pour ma part de secouer, de parler à cette candidate involontaire au suicide, une trentenaire, occidentale anglophone, qui avait, à vue de nez, bien arrosé sa soirée.
Elle revint peu à peu à elle, enfin, suffisamment pour qu'à nous deux, avec le conducteur, nous l'évacuions de la route où taxis, voitures et vélos tentaient de reprendre leurs droits, klaxonnant de mécontentement.
Tenant d'un bras, le sac de la blessée, la soutenant de l'autre, ahurie, je me suis alors sentie dépourvue, inutile. Je n'avais pas le numéro des secours, je ne savais pas me faire comprendre en chinois pour monter dans un taxi et l'emmener à l'hopital le plus proche.
Finalement, malgré mon insistance devant son visage tuméfié, la jeune femme n'a pas voulu aller se faire examiner. Elle est repartie en taxi sans se retourner.
Quant aux témoins de la scène apparemment tous manchots et muets, PAS un seul n'a daigné bouger, l'aider, amener un siège, utiliser son portable, pour appeler une ambulance, un docteur... RIEN! J'ai du asseoir l'accidentée par terre pour demander de l'aide dans un bar voisin!
Voilà pourquoi ce soir je suis révoltée. Révoltée par cette indifférence, cette lâcheté, cette curiosité malsaine de ces individus, spectateurs du désespoir. Chinois, comme occidentaux représentés d'ailleurs en nombre, aucun n'a levé ne serait-ce que le petit doigt.
Je suis révoltée autant contre eux que contre moi-même: je n'ai pas moi-même pas été capable d'aider de manière optimale une personne en détresse, de pouvoir agir. Qu'aurais-je fait si l'accident avait été plus grave? Si la vie de cette jeune femme avait été en jeu?
Aussi, pour que ce billet, ne soit pas non plus qu'un simple récit, "Action, réaction"!
Pour que cette révolte ne soit pas vaine, voici, en ligne, le kit minimal de sauvetage en chinois :
Pouvez-vous m'aider, s'il vous plaît? =
| 请 帮助 我 ? Qing bang zhu wo? [Ching] [ban] [joo] [wo]?
|
Appelez une ambulance/ un docteur! =
| 请 叫 救护车/医生! Quing jiao jiùhùche/yisheng! [Chin] [tjiao][tjuhutche]/[yichen] |
Je veux aller à l'hôpital. =
| 我想去医院. Wo xiăng qù yuyuàn. [Uo] [chian] [ku] [yuyuan] |
Les numéros d'urgence (qui ont en théorie des opérateurs qui parlent anglais) | - Ambulance : 120 - Pompiers: 119 - Police: 110 |
N'hésitez pas à compléter cette liste!